Bonjour Pierre Gras, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes et nous parler du lien que vous avez avec le Rhône ?
Je suis historien et urbaniste, enseignant et chercheur passionné par les rapports complexes entre la ville et l’eau en général, les fleuves et les rivières en particulier.
J’avais écrit, il y a quelques années, deux ouvrages consacrés à la mer et aux ports, mais jamais encore sur l’univers des fleuves : une “omission” que l’ouvrage Eaux fortes ; l’imaginaire du fleuve, conçu avec le graveur Philippe Tardy et publié récemment aux éditions Libel, vient en quelque sorte “réparer”.
J’essaie, de cette manière, de faire partager cette passion à un public élargi, au-delà des seuls spécialistes …
Donnez-nous trois ou quatre adjectifs pour décrire le Rhône et quelques explications de vos choix
Majeur, puissant, fragile, menacé.
Ces adjectifs apparemment contradictoires se justifient lorsque l’on parcourt, comme je l’ai fait l’an passé, le glacier suisse où naît ce grand fleuve, un glacier dont la surface et le volume se réduisent de décennie en décennie.
La puissance du Rhône a certes été canalisée pour éviter les graves inondations auxquelles il soumettait les villes et les territoires situés le long de son parcours jusqu’à la Méditerranée et pour permettre la production d’énergies renouvelables, mais quel sera son avenir face au réchauffement climatique, rien n’est encore écrit !
Quel est votre meilleur souvenir avec le Rhône, ou un autre cours d’eau ?
J’ai bien sûr de nombreux souvenirs en lien avec les fleuves. Je suis né et j’ai vécu au bord de la Seine, à une époque où elle gelait certains hivers.
J’habite aujourd’hui tout près de la Saône, et c’est toujours un étonnement, même après tant d’années, de voir défiler sous mes fenêtres des bateaux, des barges, des oiseaux de toutes sortes et même de grands troncs d’arbres arrachés aux rives lors des crues …
J’ai découvert également le Mékong, lors d’un séjour passionnant au Vietnam, et navigué sur un affluent de l’Amazone, au Pérou, à la fin des années 1970, une véritable aventure…
Tous ces souvenirs m’accompagnent aujourd’hui encore.
Avez-vous un fleuve préféré ? lequel ? pourquoi ?
Tous les fleuves constituent un patrimoine naturel formidable.
J’ai toujours du mal à les séparer ou à les classifier dans une quelconque hiérarchie.
Ils racontent l’histoire des hommes (et des femmes) et leurs liens, oubliés ou toujours vivants, avec la nature fondatrice…
Quel avenir imaginez-vous pour le Rhône ?
Je suis un peu inquiet, comme je l’ai expliqué plus haut, car je constate comment notre mode de vie contribue à l’ affaiblir, à le polluer et à réduire la biodiversité qu’il accueille.
Certes, beaucoup de fleuves sont dans un tel état, voire pire, mais faisons-nous – collectivement – tous les efforts nécessaires pour les préserver et revenir à une situation plus acceptable dans le futur ?
Il ne faut pas culpabiliser inutilement les riverains ou les consommateurs, mais plutôt leur faire prendre conscience qu’il s’agit d’un écosystème fragile dont dépend une partie de l’avenir des générations futures et qui doit absolument être protégé, pour qu’ils fassent pression sur les décideurs …
Parmi celles qui vous sont présentées, quelle citation préférez-vous ? Pourquoi ?
LA POÉTIQUE
La source désapprouve presque toujours l’itinéraire du fleuve.
Jean Cocteau
L’itinéraire d’un fleuve est souvent imprévisible à sa source. Ses méandres nous conduisent parfois où l’on ne s’attendait pas à aller.
“ Donnez-moi des méandres, dit un proverbe africain, je serai en retard, mais j’aurai voyagé ” …