Depuis les années 90, des mesures d’ampleur sont prises pour faire face à la dégradation du Rhône.
Un programme de restauration hydraulique et écologique est né de la volonté partagée des élus locaux, des gestionnaires du fleuve, l’Agence de l’eau, CNR et de l’État.
Son envergure est à la mesure de l’importance des aménagements qui ont altéré le fleuve et sa biodiversité.
Le fleuve et les ingénieurs
Le premier aménagement de Lyon à la mer est conçu en 1880 par l’ingénieur Girardon. Concentrant le courant en son centre, digues et épis creusent un chenal de navigation pour le passage des bateaux à vapeur.
Ces aménagements modifient les transports sédimentaires, le cours du fleuve et son écosystème : le cadre contraint provoque l’enfoncement généralisé de son lit et l’assèchement des bras secondaires.
Au XXème siècle la Compagnie Nationale du Rhône réalise sur le Rhône en France 19 aménagements d’importance : barrages, canaux, usines hydroélectriques. C’est l’avènement du Rhône industriel « au service de la nation », canalisé sur plus de 300 km en une autoroute fluviale.
Qu’est devenu le Rhône ?
Ces aménagements altèrent le fonctionnement hydrologique et environnemental du fleuve. Les faibles débits des « Vieux Rhône », ces tronçons court-circuités, entrainent des conséquences importantes sur l’écosystème : appauvrissement de la biodiversité, assèchement des lônes, simplification du système hydraulique à l’origine complexe.
Outre les aménagements, le développement des industries chimiques et nucléaires affectent la qualité des eaux et des milieux, en témoignent les sédiments portant les stigmates de la pollution.
Une restauration prometteuse
Canalisé, rétréci, dérivé, exploité durant un siècle et demi, le Rhône, voit aujourd’hui progressivement sa géomorphologie et sa biodiversité évoluer sur les secteurs restaurés. Trois objectifs directeurs structurent le plan de restauration :
- Les débits réservés sont augmentés dans les « Vieux Rhône » pour retrouver un fleuve vif et courant,
- Le fleuve est de nouveau connecté avec les zones humides, les forêts alluviales et les lônes, pour restaurer et préserver la biodiversité, redonner de l’espace lors des crues,
- La circulation des poissons migrateurs comme l’anguille ou la lamproie, est améliorée grâce aux passes à poissons et aux manœuvres d‘écluses leur permettant de franchir les barrages.
L’avenir à questionner
Quelle est l’espérance de vie d’une lône restaurée, ce bras fluvial vivant au rythme du fleuve ?
La restauration modifie-t-elle les conditions d’habitats ? Est-elle durable ? …
Pour répondre à de nombreuses questions, le programme scientifique ambitieux lancé en 1998 s’accompagne d’un suivi régulier.
Par exemple, à l’aval de Lyon, l’Espace Nature des Îles et des Lônes du Rhône (SMIRIL), premier secteur restauré, bénéficie aujourd’hui d’une amélioration de la biodiversité des milieux fluviaux. Le suivi scientifique de la restauration sur ce secteur le confirme.
L’Homme, le fleuve et la nature
D’autres interrogations pointent, en lien avec les sciences sociales qui observent et étudient le processus de réappropriation du fleuve par les riverains :
Restaurer le fleuve et préserver sa biodiversité, n’est-ce pas l’appréhender comme un patrimoine naturel et un espace public, à aimer et partager ?
Un espace à partager aussi avec les poissons, les amphibiens, les oiseaux, les castors ? les orchidées sauvages, la végétation des ripisylves ?
Avec sa restauration, quels paysages, quelles perceptions du fleuve et quels usages évoluent ?