Bonjour Jean-Louis Michelot, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes et nous parler du lien que vous avez avec le Rhône ?
Je suis né au bord de la Loire, mais j’ai vécu la plus grande partie de ma vie au bord du Rhône, à Lyon, au pied du Bugey ou à Vienne. J’ai réalisé un doctorat de géographie sur les espaces naturels de la vallée du Rhône, sous la direction de Jean-Paul Bravard. Je travaille dans le bureau d’étude Ecosphère, qui mène des missions en matière d’écologie appliquée, notamment le long du fleuve (études d’impacts, plans de gestion de sites protégés, génie écologique…).
Depuis quelques années, je m’intéresse à une approche sensible de l’environnement, mêlant les dimensions rationnelle (la connaissance), physique (le canoë, la randonnée…) et émotionnelle (les sens, l’imaginaire..). J’organise avec l’Atelier des Confins et des amis artistes des « randonnées singulières » où nous entrainons le public dans cette découverte tous azimuts.
Enfin, je viens de publier « Sur le Rhône. Navigations buissonnières et autres explorations sensibles» où je raconte le fleuve selon cette approche.
Donnez-nous trois ou quatre adjectifs pour décrire le Rhône
Puissant : un débit élevé même en été, une pente forte même dans sa partie aval.
Contrasté : à la fois artificialisé et sauvage, alpin et méditerranéen, francophone et alémanique…
Précieux : il apporte aux hommes de l’eau, de l’électricité, un axe de transport, mais aussi des légendes, des loisirs, des oiseaux, des occasions de rêver… J’ai recensé « 70 services hydrosystémiques » offerts par le Rhône !
Quel est votre meilleur souvenir avec le Rhône, ou un autre fleuve ?
En voici deux, parmi bien d’autres.
Une soirée avec le SEL (Système Local d’Echanges) de Vienne, vers l’île du Beurre. Regarder le ciel, l’eau et les étoiles. Offrir au groupe un texte poétique. Passant près d’une guinguette, improviser quelques pas de danse.
Quelque part, sur une lône secrète aux eaux limpides et fraîches, un bivouac… On est à quelques kilomètres de la ville, et pourtant, on est au bout du monde…
Avez-vous un fleuve préféré, lequel, pourquoi ?
« Le plus beau des océans
Est celui que l’on n’a pas encore traversé »
a écrit Nâzim Hikmet.
Alors, je répondrai le Tagliamento, sur lequel je n’ai pas encore navigué… ce que je rêvais de faire durant cet étrange printemps…
Ce fleuve descend depuis les Alpes italiennes jusqu’à la mer Adriatique ; c’est un peu le symbole des fleuves sauvages européens, car il n’a pas connu de grands aménagements. Ses paysages semblent somptueux !
Quel avenir imaginez-vous pour le Rhône ?
Après avoir raconté dans mon livre – à vitesse accélérée ! – 50 millions d’années de l’histoire du Rhône, je me suis posé cette question : « de quoi sera fait le futur du Rhône ? »
Je me suis arrêté dans 100 000 ans, après le comblement du Léman par des alluvions du Haut-Rhône et la prochaine glaciation !
A plus court terme, la situation est contrastée. Evolutions négatives, voire inquiétantes : diminution du débit estival pour cause de fonte des glaces alpines, poursuite de l’artificialisation des belles terres agricoles que le fleuve nous a offertes… Et d’un autre côté, des opérations très positives visant à rendre une liberté au Rhône. A l’amont du Léman, les suisses se lancent actuellement dans un programme particulièrement ambitieux, qui devrait réellement changer le paysage d’un fleuve aujourd’hui corseté.
Parmi celles qui vous sont présentées, quelle citation préférez-vous ? Pourquoi ?
LA PASSIONNÉE
On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent.
Bertolt Brecht
Cette citation me semble particulièrement riche. Elle évoque la vie du fleuve, sa dynamique, ses crues. Elle nous rappelle que la rivière n’est pas seulement de l’eau, mais aussi des interactions avec ses berges. Elle dit la force et la fragilité des fleuves.