Un fleuve puissant, entre passé et présent
Fleuve alpin puissant, le Rhône trace sa route vers la mer depuis les Alpes valaisannes, traversant le Léman pour s’engouffrer, à la sortie du Pays de Gex, dans les gorges de la Perte du Rhône, paysage aujourd’hui disparu, noyé par le barrage de Génissiat.
Ressortant dans la plaine de Chautagne, le fleuve a longtemps tressé son lit et fertilisé les plaines alluviales au gré des crues et des décrues.
Dangereux et fragile
C’est surtout à partir du XIXème siècle que les populations tentent de le contenir et le maitriser.
En France, des travaux d’endiguement d’envergure sont conduits à partir de 1860 par l’ingénieur Girardon pour faciliter la navigation.
L’aménagement hydroélectrique du XXème siècle complète ces travaux de chenalisation et d’endiguement ne laissant que quelques linéaires de fleuve moins aménagés dont les vieux-Rhône.
Bien que très impactés par la faiblesse de leur débit, ces biefs à caractère (plus) naturel, sont les exemples les plus représentatifs du fleuve d’avant les aménagements.
Une prise de conscience, vers une restauration écologique
À partir de 1990, la mesure de l’ampleur de la perte patrimoniale consécutive à l’aménagement du fleuve motive un vaste programme de restauration écologique du Rhône. Les enjeux concernent le relèvement des débits réservés dans certains vieux-Rhône, la réhabilitation des lônes, la circulation facilitée pour les poissons migrateurs.
Programme ambitieux, résultats encourageants, mais héritage contraignant
Ce programme, repris par le Plan Rhône, permet de structurer les actions le long du fleuve. Il mobilise des chercheurs évaluant les effets des procédures de restauration sur les composantes physiques et biologiques des sites restaurés.
Les travaux ainsi menés depuis 2000 mettent en évidence les gains écologiques attendus : amélioration de la diversité des habitats et de la biodiversité dans les vieux-Rhône et les plaines alluviales.
Mais ces actions sont mises en œuvre dans un espace contraint par les infrastructures des aménagements hydroélectriques : la dynamique sédimentaire est très altérée dans les vieux-Rhône par les barrages en amont et les digues anciennes, les aménagements Girardon.
Débits augmentés, formes restaurées, mais processus inchangé
L’augmentation des débits réservés ne modifie pas les processus d’érosion-dépôt et in fine les caractéristiques géomorphologiques dans les vieux-Rhône.
Pour certaines lônes recreusées et reconnectées par l’aval, les procédures de réhabilitation n’ont pas modifié les bouchons alluviaux en amont. En conséquence, en l’absence de processus d’érosion des dépôts sédimentaires, la « durée de vie » de ces lônes peut être assez courte : environ 30 ans !
Réhabiliter une certaine dynamique fluviale et un processus naturel : deuxième étape de la restauration
L’analyse des données des suivis post-restauration a mis en évidence l’intérêt d’intégrer dans les objectifs de restauration écologique, la réhabilitation des processus morpho-sédimentaires pour réhabiliter, dans la mesure du possible, une certaine dynamique des habitats dans les vieux-Rhône et les lônes de la plaine alluviale.
Ainsi, depuis quelques années, afin de promouvoir la recharge sédimentaire dans ces chenaux et modifier la connectivité hydrologique des lônes avec les chenaux courants, le démantèlement des digues « Girardon » est intégré dans certains projets de réhabilitation des vieux-Rhône : Péage-de-Roussillon, Baix-Le-Logis-Neuf, Donzère-Mondragon, Pierre-Bénite.
Améliorer la vision de la restauration écologique du Rhône, poursuivre les ambitions
Ces nouveaux enjeux, définis après une analyse de l’impact marqué des différents aménagements du Rhône depuis le milieu du XIXème siècle, sont le fruit d’une réflexion collective.
On ne pourra certes jamais retrouver le patrimoine fluvial, et les fonctionnalités écologiques associées, du Rhône d’avant les aménagements.
Mais les actions de restauration du fleuve réhabilitent certains habitats, la biodiversité sous toutes ses formes et les fonctions écologiques dans des plaines alluviales soumises à des contraintes multiples : un véritable défi dont l’importance est capitale pour la préservation de cet hydrosystème et de la ressource en eau associée.