Entre l’Aygues et la Durance, laissons à l’est d’Avignon la plaine des Sorgues, terre de légumes, de fruits, de pépinières : « Cette rive gauche baignée par le Rhône et mêlée avec la Sorgues » ( « Quella sinistra riva che si lava / Di Rodano poi ch’è misto con Sorga ») note Dante dans son Paradis (VIII, 58).
L’histoire bâtit là des vignobles mais surtout elle y écrit aussi le roman national de la vigne, que deux noms résument : une capitale, Avignon, et un péage royal, Roquemaure.
Avignon, les papes et le vin
Ce n’est pas rien d’être Avignon, siège de la papauté durant soixante ans (1316-1377) ; et de rester terre pontificale jusqu’en 1791, date de rattachement à la France. Presque chaque pape a apporté sa pierre à l’édifice, ou son galet au terroir de Châteauneuf-du-Pape, producteur de ce « vin royal, impérial, pontifical » (Frédéric Mistral).
Clément V (celui du Château Pape Clément à Pessac), plante des vignes à Malaucène ; Jean XXII fait construire le château, et fait planter, par des vignerons venus de Cahors, le premier vignoble à produire le « vin des papes » ; Benoît XII selon Pétrarque, est un consommateur assidu ; Clément VI répertorie en 1344 les premiers terroirs ; Innocent VI supprime les vins de Saint-Pourçain de la table pontificale. Urbain V introduit le cépage muscat et, sur la rivière Ouvèze, Beaumes-de-Venise et Rasteau fournissent aujourd’hui ces vins doux aimés en leur temps des palais papaux.
Une terre bénie !
Les terroirs de l’appellation comptent d’immenses ensembles de lauses calcaires du Crétacé en sus des célèbres galets roulés du quaternaire, et des sables pliocènes ou des safres du Miocène apportés par la Méditerranée à la fin du tertiaire.
La proximité du Rhône favorise très tôt l’essor du commerce et l’arrivée des Papes à Châteauneuf au début du XIVème siècle stimule son dynamisme économique.
Mais il faut attendre 1893 pour que le village prenne le nom de Châteauneuf-du-Pape abandonnant celui de Châteauneuf-Calcernier, dû à l’exploitation de fours à chaux.
C’est Robert Parker, un autre pape – celui de la dégustation- qui donnera encore plus d’éclat à l’appellation à partir des années 1970. Était-il convaincu dans la foulée du poète provençal Anselme Mathieu que « lou vin de castou noù douno la voio, emai l’amour, emai la joio » (le vin de Châteauneuf donne le courage, l’amour et la joie) ?
Aujourd’hui, Avignon vise à affirmer son rôle de capitale des côtes-du-rhône. Ainsi, les Compagnons des Côtes-du-Rhône entourent de leurs soins le Clos de la Vigne du Palais des Papes, une petite terrasse intra-muros au-dessus du Rhône non loin de l’hôtel de Rochegude où est installé InterRhône, le groupement des professionnels de la viticulture et du négoce des vins de la vallée.
En rive droite
En face de Châteauneuf, Roquemaure, forteresse royale et port fluvial, était un point-clé de contrôle du fleuve. Il constituait avec, juste en face sur la rive gauche, le château de l’Hers, un péage fortifié très actif. Les vins de Lirac et de Tavel, ceux de Gigondas remontaient le fleuve en direction de la Bourgogne et la Suisse, ou le descendaient vers la Méditerranée pour être embarqués vers l’Europe du nord.
Appellation Côte du Rhône
Dès 1731, pour éviter les fraudes lors du transport, la marque CDR est apposée sur les barriques de vin de la Côte du Rhône, au singulier comme on disait à l’époque.
Que dans ce vignoble soient nées au début du XXe siècle les appellations d’origine – notamment sous la houlette du Baron Le Roy, vigneron à Châteauneuf-du-Pape (château Fortia) et fondateur de l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine), mais aussi de Henri de Régis de Gatimel à Lirac (château de Ségriès) – n’est donc pas étonnant et on compte parmi les toutes premières appellations reconnues Tavel et Châteauneuf-du-Pape en 1936, puis les Côtes-du-Rhône en 1937.