La présence de vignobles sur les voies d’eau, notamment les fleuves navigables, est une constante de l’histoire de la vigne. Le long des 812 km du cours du Rhône, on en distingue douze. Leur personnalité est liée à leur situation géographique, par définition unique, à l’histoire ensuite qui en découle et enfin aux tactiques particulières des vignerons au regard des pentes, des orientations, des sols.
Après la Savoie rhodanienne, le Rhône forme un grand coude et enveloppe le Bugey par le sud. Alors que depuis la Suisse il coulait vers le sud-ouest, à Brégnier-Cordon, commune la plus méridionale du département de l’Ain, le fleuve remonte brusquement vers le nord-ouest marquant la frontière avec le département de l’Isère.
Une vigne historiquement importante
Le département de l’Ain est fortement viticole jusqu’à l’arrivée du phylloxéra à la fin du XIXème siècle. De Groslée, proche du méandre de Saugey situé dans la Réserve Naturelle Nationale du Haut-Rhône français, jusqu’à Ambérieu, la vigne a été historiquement importante. S’y succèdent les appellations Bugey, roussette du Bugey, coteaux de l’Ain. On y élabore aussi la fine (eau-de-vie de vin) et le marc (eau-de-vie de marc – les peaux et les rafles du raisin) du Bugey.
Le champagne lyonnais !
Le Montagnieu est une des dénominations géographiques de l’appellation Bugey. Plus au nord de on trouve celles de Cerdon et de Manicle.
Sur les communes de Montagnieu, de Briord et de Seillonnaz, les vignes installées sur des coteaux sud-ouest et plein sud, comptent une trentaine d’hectares. Sur certaines pentes escarpées, des vignerons conduisent encore les vignes sur échalas.
Les vins de Montagnieu sont pour les deux tiers des vins mousseux, à base majoritaire d’altesse, de chardonnay et de mondeuse. Le Montagnieu a longtemps été l’apéritif des Lyonnais, jusqu’à être surnommé le « champagne lyonnais ».
Vin de la pierre
Le Montagnieu est l’enfant de la pierre et de la géologie locale particulière, avec les pierres calcaires de Marchamp très recherchées pour l’impression lithographique au milieu du XIXe siècle et le choin, un calcaire compact issu des nombreuses carrières de Villebois. Extrait par les Hommes forts – comme on les surnommait – du XVIe au XXe siècle, le choin servit à construire Lyon en grande partie : Hôtel-Dieu et hôtel de Ville, palais de justice et opéra, immeubles, quais et ponts. On retrouve aussi le choin dans les constructions d’Aix-les-Bains, Genève, Annecy, Saint-Etienne, Paris même.
Le voyage par le Rhône
Les vins de Montagnieu étaient acheminés par le Rhône avec les produits des carrières de l’Ain.
Avant que le relais ne soit pris par les compagnies de chemin de fer à partir de 1875, les tonneaux étaient embarqués à Villebois, Sault-Brenaz et Montalieu, à bord des rigues ou seysselandes. Fabriquées à Seyssel, ces grandes barques à fond plat pouvaient transporter 200 tonnes de marchandises.
Un transport effervescent
Serait-ce lors d’un de ces voyages sur le Rhône au courant tumultueux, que le Montagnieu a subi une seconde fermentation en bouteille, devenant effervescent ? Son acidité et sa fraîcheur ont rencontré le goût des amateurs lyonnais.
Sa vinification maîtrisée ensuite par la méthode traditionnelle, il a conquis les apéritifs et les desserts des bouchons et restaurants de la capitale des Gaules.
À Lagnieu –commune très viticole au XIXe siècle – un petit musée de la vigne est installé dans un ancien grangeon, une cabane de vignes.