Culture & Patrimoine

Quand le sol révèle la mémoire du fleuve

Proposé par Clémence Mège en collaboration avec Laurent Strippoli
- Service Archéologique de la Ville de Lyon-

Données PCR Atlas topographique de Lyon antique © JC Golvin, DRAC SRA Rhône-Alpes, mai 2010

Dès l’Antiquité, grâce aux embarcations fluviales qui le parcouraient, le Rhône s’est imposé comme un axe de mobilité majeur reliant la Méditerranée aux régions plus septentrionales. De nombreuses marchandises circulèrent le long de son cours : matières premières, produits naturels transformés, objets manufacturés. Aujourd’hui, les marques de ces flux nous parviennent au gré des découvertes permises notamment par l’archéologie.

Les amphores et le commerce des aliments
Dès la deuxième moitié du 1ersiècle avant notre ère, les habitants de de Lyon, alors appelée Lugdunum, consommaient déjà des denrées alimentaires en provenance du bassin méditerranéen : vin, huile d’olive, sauces, salaisons de poisson ….
Les restes d’amphores trouvés en abondance parmi les vestiges des premières occupations de Lugdunum témoignent du commerce des aliments qui transitaient par le fleuve. Véritables emballages de terre cuite, les amphores nous renseignent sur ce qu’elles contenaient, la nature, la provenance, la quantité et la qualité des aliments transportés.

Des fouilles archéologiques éclairantes
À proximité de l’ancien confluent du Rhône et de la Saône, localisé au sud de l’actuelle abbaye d’Ainay, une fouille archéologique a livré en 2010 un saisissant témoignage du commerce entre la province de Narbonnaise et la capitale des Gaules durant la seconde moitié du Ier s. après J.-C.
À cet emplacement, plus d’une dizaine de milliers de tessons d’amphores amoncelées ont été mis au jour : de toute évidence, ces dernières avaient été rejetées du haut d’une plateforme après avoir été vidées de leur contenu !

Des amphores pour le transport du vin
A posteriori, l’étude en laboratoire a démontré la présence d’au moins deux cent trente conteneurs spécifiquement dédiés au transport du vin élaboré dans les vignobles du sud de la Gaule. Leur aspect spécifique, dû à l’argile utilisée pour leur fabrication, a même permis de les rapprocher d’un groupe d’atelier de potiers situé en basse vallée du Rhône, dans la région de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard. Quelques restes de céramiques les accompagnaient ainsi qu’une autre amphore à la forme bien différente, originaire cette fois de la province romaine de Tarraconaise (actuelle Espagne).

Interprétation des fouilles
Ces vestiges matériels sont les traces d’une activité liée au transport fluvial. Ils constituent aussi sans doute un indice de reconditionnement des denrées, pour une consommation sur place ou une redistribution à l’échelle locale comme à longue distance, vers d’autres contrées.

Entrepôts et routes commerciales
À Lyon toujours, mais également dans d’autres villes situées le long du Rhône à l’instar de Vienne, la présence d’entrepôts est bien attestée. Près des cours d’eau, dans ces grands espaces spécifiquement bâtis et aménagés de façon optimale, on déchargeait, on stockait, on transvasait puis on chargeait de nouveaux les biens. Ces derniers pouvaient alors poursuivre l’itinéraire les conduisant du producteur au consommateur, par voie d’eau ou par voie terrestre.

Le Rhône, l’histoire et les hommes
Depuis plus de deux mille ans, le Rhône et ses affluents déplacent, au fil des saisons, les hommes et le fruit de leur labeur. À la faveur de la sauvegarde du patrimoine et de la recherche scientifique – toutes deux intimement liées – leur environnement nous dévoile aujourd’hui par bribes des pans entiers de cette histoire toujours en cours d’écriture.

  • Détail dépôt d

    Détail dépôt d’amphores fouilles rue Bourgelat, 2ème arrondissement Lyon

  • Données PCR Atlas topographique de Lyon antique © JC Golvin, DRAC SRA Rhône-Alpes, mai 2010

    Essai de restitution de Lugdunum au second siècle après J.-C. par Jean-Claude Golvin

  • Baudrand 2012 plan Lugdunum © Service Archéologique Ville de Lyon

    Plan Lugdunum