Nature & Environnement
Les sédiments du Rhône : qui sont ces passagers du fleuve ?
Proposé par Bertrand Morandi, Chef de projet Rhône au Graie
Avec un débit de 1 700 m3 par seconde à son embouchure, le Rhône est le plus grand fleuve français. Cette puissance lui permet de transporter des quantités importantes de sédiments sur l’ensemble de son cours. L’interaction de l’eau et des sédiments crée la dynamique fluviale et modèle le visage du Rhône. Elle dessine les paysages fluviaux et donne aux eaux du fleuve sa couleur.
Qu’est-ce qu’un sédiment ?
Les sédiments sont des particules de différentes tailles issues de la désagrégation de roches ou de la décomposition de matières organiques, notamment des végétaux, des bois. Leur taille – les scientifiques parlent de granulométrie – varie de quelques micromètres à plusieurs dizaines de centimètres. Une distinction générale est faite entre les sédiments fins – les argiles, les limons et les sables – et les sédiments grossiers – les graviers, les galets et les blocs rocheux.
Quelle est l’origine des sédiments du Rhône ?
Ils proviennent en grande partie de l’amont du bassin-versant du Rhône. Les Alpes mais aussi le Jura et le Massif Central constituent les principales sources sédimentaires du fleuve. Sous l’effet de l’érosion, du ruissellement des eaux de pluie et des eaux nivales, les versants montagneux et les torrents libèrent sédiments fins et grossiers qui commencent leur transit vers l’aval.
On estime aujourd’hui à 150 000 m3 le volume de graviers et de galets qui arrive tous les ans au Rhône via ses affluents.
Ce sont également 5,5 millions de tonnes de sédiments fins qui sont transportés chaque année jusqu’à son embouchure. L’Arve, l’Ain, l’Isère, la Durance constituent les principaux contributeurs.
Comment les sédiments se déplacent-ils dans le fleuve ?
En fonction de leurs tailles, les sédiments sont transportés différemment par les eaux du Rhône. Limons, argiles et sables les plus légers flottent dans la colonne d’eau : on dit qu’ils sont en suspension.
Sables et graviers les plus petits, trop lourds pour flotter, sont déplacés par petits sauts au fond du lit : on parle de saltation.
Enfin, les sédiments grossiers, graviers les plus gros, galets et blocs rocheux, sont roulés ou trainés par le courant : on parle alors de charriage.
Le débit du Rhône, déterminant dans le transport des sédiments
Plus les sédiments sont gros, plus ils sont lourds, plus la puissance nécessaire à leur déplacement sera importante.
En fonction du débit du fleuve, la nature et la quantité de sédiments transportés va donc significativement varier.
Certains sédiments, comme les graviers et les galets, se déplacent uniquement lors des crues du Rhône les plus importantes. Les sédiments fins en suspension circulent en permanence, mais on estime néanmoins que 75% d’entre eux transitent pendant les crues.
Les vitesses de déplacement des sédiments sont également très différentes. Argiles ou limons de l’Arve, en suspension, peuvent parcourir les 520 km qui les séparent de la Méditerranée en quelques jours. Les galets eux vont mettre plusieurs années pour se déplacer de quelques kilomètres seulement.
L’inconstance de la dynamique sédimentaire
Le transport des sédiments n’est ni constant, ni permanent. Au fil du Rhône, les sédiments circulent, se déposent, sont remis en mouvement ou fossilisés dans la plaine alluviale. C’est ce qu’on appelle la dynamique sédimentaire. Elle donne au lit sa forme, sa morphologie.
Certains dépôts de sédiments sont stabilisés et ne sont plus déplacés par le fleuve. Ils ont été constitués il y a plusieurs milliers d’années et ont donné sa topographie à la Vallée du Rhône. Sur le bas Rhône, ces dépôts sont visibles dans le paysage où ils forment des terrasses sédimentaires. A Lyon, la Presqu’île entre Rhône et Saône est construite sur ce type de couches de sédiments.
Les sédiments peuvent se déposer temporairement dans le lit du cours d’eau, durant quelques mois ou années avant d’être remobilisés. Cette dynamique sédimentaire est observable au niveau des bancs de galets. Lors d’un évènement hydrologique particulier, l’accumulation des sédiments forme un banc, qui s’aggrade puis s’érode sous l’effet des crues, et disparait pour se reformer parfois plus à l’aval.
Le fleuve, architecte de son delta
Enfin une partie des sédiments parvient à l’embouchure du Rhône et à la Méditerranée. Il s’agit essentiellement de sédiments fins. Depuis plus de 7000 ans, les apports du fleuve ont ainsi permis à la terre de gagner sur la mer en créant un delta : la Camargue.
On estime aujourd’hui à 150 000 m3 le volume de sable qui arrive chaque année à la mer.
Une partie de ces sédiments est remis en mouvement lors des tempêtes et redistribués vers les plages du littoral.