Le Rhône, Bernard Clavel, Vernaison : des liens indissociables

À Vernaison, rêverie tout au bord du fleuve
Assis sur les galets chauffés par le soleil, les pieds à la limite de l’eau, il balaie de son regard lentement l’espace : du petit peuplier né du hasard, aux roches des épis effleurant la surface ; de la digue surmontée d’arbres et envahie de vorgines, au virage qu’il amorce au sud ; le Rhône est au creux des vernaisonnais, comme l’est un enfant au creux de sa mère. Il est en nous. Apaisant.

Le fleuve qui donne la force
Le Rhône inspire Bernard Clavel, mais pas que …
« il avait la couleur du ciel, des arbres, du sable, des pierres, de l’herbe et, plus forte que toutes les autres réunies, sa couleur à lui … Un vert unique : le Vert-Rhône. » (Pirates du Rhône)
« Je lui dois, non pas le désir d’écrire qui couvait en moi depuis l’adolescence, mais le courage d’essayer, la force d’oser… » (Je te cherche vieux Rhône)

Pour l’amour du Rhône
Bernard Clavel, amoureux du Rhône, lui consacre une douzaine d’ouvrages.
Oui, vieux Rhône, tu es ce moment éternel, cette portion de temps toujours vivante, solide, éclatante comme le diamant, tu es le trésor que les dieux de bonté et de grâce qui président à notre naissance déposent dans notre berceau . (Je te cherche vieux Rhône)
Clavel, « envouté », l’a découvert, l’a contemplé, l’a peint ce « Rhône aux mille visages », « c’était pour lui qu’il coulait… », il l’a vécu « il finit par vous entrer dans la peau. Il vous coule dans les veines sans même qu’on s’en aperçoive. Et le jour où on s’en rend compte, c’est trop tard. ». (La table du Roi)

Se souvenir …
C’est ainsi que, plus tard, certains de ses romans font revivre ces quinze années passées parmi nous, une époque révolue, l’époque d’après-guerre, celle de la liberté retrouvée, des guinguettes, de la camaraderie, de la solidarité, de la piraterie à la barbe des « cognes ».
Chacun de ses textes décrivant ce Rhône, autrefois indocile, nous pénètre au plus profond de notre être, nous, vernaisonnais, qui nous tournons vers lui chaque jour.

Peindre et écrire le fleuve
Clavel a su, comme dans ses toiles, révéler les paysages sauvages des îles et bords du Rhône où il fallait se frayer un passage au milieu des vorgines, et des orties ; les digues et les carrés dans lesquels l’eau s’engouffrait à chaque crue : « tant qu’il reste tranquille, tout timide dans le fond de son lit, ils sont là, à côté de lui, sans en faire plus de cas que s’il n’existait pas. Mais dès qu’il fait mine de montrer les crocs : Holà Garçon !… On le regarde. On le mesure. On le photographie… » (Pirates du Rhône)

Le fleuve disparu
Clavel a su, comme nous aurions voulu savoir le faire, retranscrire la vie des villageois, du passeur, des pêcheurs, des jouteurs, et l’amour de chacun pour un Rhône autrefois majestueux qui s’étendait de Vernaison à Solaize ; « le fleuve est partout. Il étend sur les champs ses bras noueux entre les saules. Il serre de ses doigts plombés des ilettes de sable qui s’effritent … » .« Il est là, Sa chanson faiblit mais en prêtant l’oreille, on l’entend. » (Pirates du Rhône)

Bernard Clavel, le visionnaire
Autrefois, oui, car le canal nous l’a volé, et comme le prévoyait déjà Bernard Clavel, avec des conséquences sur ses rives, ses arbres, et naturellement sa faune ; des conséquences de pollution de l’air et de l’eau par les usines qui « vomissent »… Il savait déjà, il y a 70 ans. La construction du barrage de Pierre-Bénite dans les années 60 a bouleversé le paysage et le quotidien des riverains, le grand fleuve a disparu.

Anniversaire
Bernard Clavel, l’homme libre, « le sauvage aux pieds nus », est parti pour une autre vie, le 5 octobre 2010. Il aurait eu 100 ans au printemps 2023. Il aurait certainement adhéré à l’association des Amis de l’Ile de la Table Ronde, qui respecte et défend les espaces naturels du Rhône riverains de Vernaison.