Depuis environ 20 ans, les archéologues du D.R.A.S.S.M. fouillent dans le Rhône afin de mieux comprendre l’histoire ancienne de la ville d’Arles.
C’est probablement vers la fin du 1er siècle, que la cité prospère se dote d’un pont flottant pour relier ses deux rives séparées par le Rhône tumultueux. Constitué d’un tablier en bois reposant sur des bateaux, ce type d’ouvrage était d’ordinaire utilisé de manière temporaire par les armées en campagne.
Un témoignage éloquent
« Ouvre, Arles, douce hôtesse, ton double port, Arles, petite Rome gauloise, voisine de Narbonne et de cette Vienne qu’enrichissent les colons des Alpes ; tu es coupée par le cours impétueux du Rhône au milieu duquel un pont de bateaux forme une place où tu reçois les marchandises du monde romain ; tu ne les retiens pas et tu enrichis les autres peuples et les autres villes que possèdent la Gaule… »
Par ces mots, Ausone, consul et auteur d’origine bordelaise, présentait la cité d’Arelate au IVème siècle, dans son Classement des villes célèbres dans lequel 20 villes de l’Empire sont évoquées. Sa mention du pont de bateaux est l’un des rares témoignages écrits attestant de l’existence de cet ouvrage d’art.
Une mosaïque emblématique
A Ostie, le port de Rome, les naviculaires d’Arelate avaient un bureau permanent où ils négociaient les contrats. Certainement fiers de leur pont de bateaux, ils l’avaient choisi comme symbole sur la mosaïque qui ornait leur comptoir (leur schola) sur le forum des corporations. On y voit le Rhône divisé en trois bras. En haut, se trouve le pont de bateaux. Sur chaque rive sont représentées des arches surmontées de sculptures.
Document iconographique d’un intérêt majeur pour les historiens, cette mosaïque associée à l’archéologie subaquatique dans le Rhône conduite par le D.R.A.S.S.M., a permis de proposer une restitution du pont.
Une prouesse technique adaptée au Rhône
D’une longueur estimée à 192 mètres, souple et flexible, le pont de bateaux de Arles était permanent : une prouesse peu commune dans l´Antiquité d’autant que l’ouvrage devait résister aux terribles crues du Rhône et s’adapter aux variations de niveau de l’eau.
L’ancrage et les piles avancées dans le fleuve retenaient solidement les amarres des bateaux qui supportaient le double tablier.
La configuration du Rhône obligeait ce type de construction : après une pente douce, le fond du fleuve plonge brusquement jusqu’à 18 mètres, interdisant la construction de fondations profondes.
Rupture de charge à Arelate, port fluvio-maritime
Arelate possèdait deux ports : un maritime en aval du pont et un fluvial à l’amont. C’était un point de rupture de charge, où les marchandises étaient transférées des barges fluviales aux bateaux fluvio-maritimes et inversement.
Le pont de bateaux était équipé d’un système de pont-levis qui permettait de faire passer les bateaux. Par le chemin de halage, les chalands, ces grandes embarcations à fond plat, remontaient le courant du Rhône, chargés de marchandises provenant de l’Empire romain.
Après la disparition du pont de bateaux probablement au cours du VIIIème siècle, la traversée du Rhône à Arles s’effectuera longtemps par bac.