Dans son livre Le Poème du Rhône publié en 1859 , Frédéric Mistral annonce la fin d’une ère, celle d’un temps où les hommes vivent et travaillent en étroite relation avec le fleuve.
Jusqu’au XIXème siècle, quarante à cinquante hommes avec un équipage de trente jusqu’à quatre-vingt chevaux ou bœufs sont nécessaires pour tirer des convois de plus de 1500 tonnes. L’intense activité liée à la voie d’eau s’illustre par de nombreux métiers, entourant celui de mariniers : dockers, cordiers, fustiers et charpentiers, mariniers de terre dégageant les obstacles, roquiers ou brochiers recrutant les haleurs, …
Venant du Doubs, de l’Isère, de l’Ain, de la Durance, les radeliers descendent le fleuve sur des radeaux de bois. Les troncs assemblés et attachés à l’aide de cordages sont démantelés pour la construction de meubles ou de bateaux, comme sur le chantier naval de Arles.
Les pêcheurs occupent le lit du fleuve nourricier, avec leurs pêcheries fixes ou leur filets.
Du Moyen-Âge jusqu’à la fin du XIXe siècle, les moulins flottants, ancrés sur les berges, utilisent la force hydraulique pour actionner leur roues à aube. Ces meuneries mobiles, étranges et fragiles nefs, sont à la merci du fleuve tumultueux ou des bateliers gênés sur leur trajet de halage.
Avec les aménagements Girardon d’endiguement et de régulation du Rhône, elles sont remplacées par des constructions fixes, qui disparaitront des rivages à la fin du XIXème siècle à l’arrivée de l’électricité.
Avant la construction des nombreux ponts Seguin, les passeurs transportent de rive à rive sur leur bac jusqu’à trente personnes, toutes sortes de marchandises et même des animaux.
Le long du fleuve, les lavandières, mains plongées dans l’onde glacée, tordent et battent le linge. Dans les villes, elles travaillent dans des bateaux-lavoirs. À Lyon, le dernier bateau-lavoir disparaît au début des années 1950.
La mécanisation des transports dès le XIXème siècle et les aménagements du XXe modifient profondément la vie au bord du fleuve et ses corps de métiers.
L’activité des « bords de l’eau » disparaît peu à peu, alors que le fleuve s’industrialise et que son espace se fonctionnalise.