Louis Bonnamour est archéologue de renom, spécialiste de la Saône, ancien Conservateur du Musée Denon de Chalon-sur-Saône.
La série des portraits En direct du fleuve propose un rendez-vous avec des personnes qui développent un lien particulier au Rhône ou à la Saône.
L’esprit des portraits : pour les mêmes questions, différentes réponses qui nous donnent, par ricochet, de nouvelles vues sur le fleuve !
Bonjour Louis Bonnamour, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes et nous parler du lien que vous avez avec la Saône ?
Je me suis attaché à l’étude du passé de la rivière dès 1963 et lui ai consacré l’essentiel de mes activités professionnelles grâce au suivi des trouvailles de dragage puis, à partir des années 1980, à la réalisation de recherches d’archéologie subaquatique.
Ce travail a permis d’accroitre de manière importante le potentiel des collections archéologiques du musée de Chalon ; il a surtout démontré l’existence de nombreux sites archéologiques échelonnés sur quatre millénaires, conservés intacts au fond de la rivière. Au musée de Chalon, une « salle de la Saône » rend compte de ce patrimoine exceptionnel.
Donnez-nous trois ou quatre adjectifs pour décrire la Saône
- Calme mais imprévisible.
Jules César disait d’elle que l’on ne voyait pas dans quel sens elle coulait. C’est souvent vrai mais pour le plongeur que j’ai longtemps été, une telle affirmation peut s’avérer erronée aussi bien en période de hautes eaux que par un fort vent du sud capable de faire sombrer des bateaux.
- Pérennité : l’actuel lit majeur a peu varié depuis 4000 ans comme l’attestent les vestiges trouvés sur les gués comme les habitats anciens présents sur les deux berges.
Quel est votre meilleur souvenir avec la Saône, ou un autre cours d’eau ?
Souvenir du tournage d’un film sur la pêche professionnelle au lever du soleil avec la brume montant de l’eau. Beauté du paysage, sentiment de calme, de sérénité, de bien-être.
Avez-vous un fleuve préféré, lequel, pourquoi ?
Préférence : La Saône que j’ai parcourue à de multiples occasions en suivant les chemins de halage mais également en bateau ou encore survolé en avion, reste pour moi pleine de mystère.
Quel avenir imaginez-vous pour la Saône ?
Sombre.
Pour ne citer qu’un exemple, j’évoquerai la pêche, activité vivrière traditionnelle qui a très peu évolué depuis des millénaires.
Lors de mes dernières enquêtes pour la publication d’un ouvrage, j’ai été traumatisé par son devenir au point d’envisager d’abandonner mon projet. La rivière est à tel point polluée que le poisson n’est plus comestible.
La situation n’est peut-être pas irrémédiable mais la prise de conscience sera longue.
À quoi pensiez-vous lorsque vous étiez au fond de la Saône ?
Lorsque je plongeais, je faisais le vide dans mon esprit pour m’abstraire du contexte et me concentrer sur le travail en cours.
Parmi celles qui vous sont présentées, quelle citation préférez-vous ? Pourquoi ?
L’Antique
On ne se baigne jamais dans le même fleuve
Héraclite d’Éphèse
Pour avoir passé quelques milliers d’heures en plongée au fond de la rivière, j’ai pu observer que le même site changeait en permanence selon les années et les saisons : érosion, sédimentation, végétation, accumulation de coquillages…
Il était donc nécessaire de passer et repasser 10 fois, 20 fois, au même endroit.