Muriel Borgeat est historienne. Elle a récemment codirigé la réalisation de l’ouvrage « Le Rhône. Territoire, ressource et culture », publié par Vallesia, Archives de l’État du Valais.
Elle fait partie de l’association pluridisciplinaire Mémoires du Rhône qui organise à Sion, tous les deux ans, un colloque dédié au fleuve.
La série des portraits En direct du fleuve propose des rendez-vous avec des personnes qui développent un lien particulier au Rhône ou à la Saône. Aux mêmes questions, différentes réponses nous donnent par ricochet, de nouvelles vues sur le fleuve !
Bonjour Muriel Borgeat, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes et nous parler du lien que vous avez avec le Rhône ?
Je travaille à la Fondation pour le développement durable des régions de montagne, dans le canton du Valais, où se trouve le glacier du Rhône.
Je suis chargée de coordonner les projets en lien avec le fleuve dans les domaines de la culture, de la formation et de la recherche.
J’ai aussi effectué des recherches sur l’histoire des relations entre le Rhône et ses riverains depuis le Moyen Age. Comme j’ai la chance d’habiter à côté de la forêt de Finges, je me promène souvent dans la zone alluviale où le Rhône dispose d’un espace de 150 mètres de large contre 50 mètres environ ailleurs en Valais.
Donnez-nous trois ou quatre adjectifs pour décrire le Rhône
Changeant, fort, domestiqué.
Quel est votre meilleur souvenir avec le Rhône, ou un autre fleuve ?
C’était le 14 octobre 2000. La crue du Rhône était impressionnante. Ce jour-là, j’ai vu et entendu la force du fleuve. J’avais 20 ans, je n’avais pas vraiment peur. Je trouvais ce déchainement des éléments sublime.
Le lendemain, une digue s’est rompue et toute une région du Valais a été inondée. Les chaînes de télévision du monde entier montraient la catastrophe.
Je n’ai pas raconté souvent ce que j’ai ressenti ce jour-là. Pour beaucoup de mes concitoyens, c’est un mauvais souvenir. Pour cette raison, je préfère dire que c’est mon souvenir le plus émouvant avec le Rhône.
Avez-vous un fleuve préféré, lequel, pourquoi ?
Mon fleuve préféré, c’est la Loire. Enfant et adolescente, j’ai visité plusieurs châteaux de la Loire avec mes parents (Amboise, Blois, Langeais notamment). J’ai vu le fleuve et j’ai pensé que, sans lui, il n’y aurait peut-être pas tous ces beaux châteaux et que le paysage serait différent.
Quel avenir imaginez-vous pour le Rhône ?
En Valais, j’imagine un fleuve moins rectiligne, plus sinueux. J’imagine des berges avec beaucoup d’arbres, de grands arbres qui procureront de l’ombre aux promeneurs et aux cyclistes. J’imagine des espaces pour les loisirs et d’autres pour la faune et la flore. Je suis heureuse que le projet d’aménagement des espaces publics du Rhône, proposé par l’agence Base de Lyon (avec des partenaires suisses), intègre cet équilibre entre l’homme et la nature de manière harmonieuse.
Parmi celles qui vous sont présentées, quelle citation préférez-vous ? Pourquoi ?
Je préfère l’Antique, peut-être parce que je suis historienne de formation. En toute sincérité, si j’aime cette citation, c’est parce que l’eau a un pouvoir quasi-magique sur moi. Quand je regarde l’eau du Rhône ou celle des rivières, cela me captive. J’oublie les soucis du quotidien et je vis l’instant présent. Souvent, j’enlève mes chaussures et je marche pieds nus dans le cours d’eau. Et je pense qu’effectivement cette eau n’est jamais la même, qu’elle change constamment… comme la vie. Je suis en paix lorsque je m’arrête pour le ressentir, que je suis simplement consciente de l’impermanence.
L’ANTIQUE
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve
Héraclite d’Éphèse