Mélanie Pitteloud est réalisatrice. Son film « Dans les bras du Rhône », engagé et poétique, nous amène à la rencontre d’habitants liés au destin du Rhône traversant le Valais, pour un voyage qui invite à un questionnement universel sur nos relations à la nature et au territoire.
La série des portraits En direct du fleuve propose des rendez-vous avec des personnes qui développent un lien particulier au Rhône ou à la Saône. Aux mêmes questions, différentes réponses nous donnent par ricochet, de nouvelles vues sur le fleuve !
Bonjour Mélanie Pitteloud, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes et nous parler du lien que vous avez avec le Rhône ?
Je suis réalisatrice de films documentaires. Pour mon premier long-métrage pour le cinéma, j’ai choisi comme protagoniste principal le fleuve Rhône dans sa partie helvétique, de sa source glaciaire au lac Léman (« Dans le lit du Rhône », 88 min, 2017).
Loin d’un voyage classique au fil de l’eau, j’ai voulu à travers ce film questionner notre relation aux cours d’eau massivement endigués et déconnectés de leur territoire.
Je suis allée à la rencontre de riverains intimement liés au destin du Rhône alors que vient de démarrer en Suisse l’énorme chantier de la « Troisième Correction du Rhône », qui vise à redonner de l’espace au fleuve suite à des inondations catastrophiques.
En réalisant ce film sur 5 ans, j’ai développé une intimité avec ce fleuve, qui est devenu comme un membre de ma famille.
Donnez-nous trois ou quatre adjectifs pour décrire le Rhône et quelques explications de vos choix
Impétueux. Glacial. Endigué mais indomptable.
Près de sa source au glacier du Rhône, le fleuve débute en petit torrent mais fait déjà preuve de puissance impétueuse. Sa température glaciale parvient même à refroidir légèrement l’air à proximité de son lit dans toute la plaine jusqu’au lac Léman. Rectiligne entre ses digues, il nous rappelle néanmoins à chaque inondation sa force indomptable.
Quel est votre meilleur souvenir avec le Rhône, ou un autre cours d’eau ?
Chaque journée de tournage pour « Dans le lit du Rhône » reste un souvenir inoubliable, à chercher la magie des paysages malgré le côté dénaturé de ce fleuve.
Un lever du jour embelli par la brume, la rencontre avec une hydrobiologiste passionnée, le témoignage d’un pêcheur qui met à l’eau des quantités de truites afin d’avoir encore du poisson à pêcher dans le Rhône, l’impressionnant chantier qui redessine à la pelle mécanique les 160 premiers kilomètres du fleuve… mais aussi la parole des agriculteurs qui vont perdre de précieuses terres cultivables pour les rendre au Rhône.
Autant de rencontres que de souvenirs marquants !
Avez-vous un fleuve préféré ? lequel ? pourquoi ?
J’ai une immense affection pour le fleuve Saint-Laurent auprès duquel j’ai vécu au Québec, si majestueux, si large, habité de baleines et de myriades d’oiseaux.
Quant à choisir entre le Saint-Laurent et le Rhône… ils sont si différents et en même temps si intimes de mon parcours : entre les deux, mon cœur balance !
Quel avenir imaginez-vous pour le Rhône ?
Je suis très curieuse du visage que le Rhône prendra d’ici une génération, à l’issue des chantiers de revitalisation qui ont lieu à la fois en Suisse et en France.
Je me réjouis d’observer dans quelle mesure ces remaniements du cours du fleuve vont favoriser le rapprochement entre la population et son fleuve aux berges plus accueillantes, plus vivantes.
Parmi celles qui vous sont présentées, quelle citation préférez-vous ? Pourquoi ?
LA PASSIONNÉE
On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais de la violence des rives qui l’enserrent
Bertolt Brecht
C’est exactement un des propos de mon film, qui invite à poser un regard renouvelé sur nos cours d’eau massivement endigués.
C’est non seulement l’histoire du Rhône, mais de la grande majorité des cours d’eau dans nos territoires intensément organisés et urbanisés.