Portrait
Fanny Taillandier
En direct du fleuve
Fanny Taillandier publie en 2022, « Delta », livre finaliste du Prix François Summer. « Plus que cet espace naturel que j’étais venue y chercher, j’y ai trouvé un travail incessant de l’humain sur ce paysage absolument hostile à l’humain », dit-elle à Mathias Enard qui qualifie le livre d’arpentage géographique et imaginaire du delta du Rhône.
Elle sera la présidente du jury de la 3ème édition du concours d’écriture Dans les courants du fleuve, en 2024-25.
La série des portraits En direct du fleuve propose des rendez-vous avec des personnes qui développent un lien particulier au Rhône ou à la Saône. Aux mêmes questions, différentes réponses nous donnent par ricochet, de nouvelles vues sur le fleuve !
Bonjour Fanny Taillandier, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes et nous parler du lien que vous avez avec le Rhône ?
Je suis écrivaine, originaire de banlieue parisienne. Je vis actuellement en région Centre. J’ai surtout fréquenté le Rhône lors de mon travail pour le livre Delta, consacré à son delta. J’ai alors mesuré l’immensité de son rôle dans les paysages hexagonaux. Ce qui est amusant en Camargue, c’est qu’on voit très peu le Rhône, caché entre des digues et divisé en bras qui se confondent eux-mêmes avec les canaux d’irrigation.
Donnez-nous trois ou quatre adjectifs pour décrire le Rhône
Tumultueux, fort, historique, industriel
Quel est votre meilleur souvenir avec le Rhône ou un autre fleuve ?
Toujours pour écrire Delta, j’ai marché le long des six kilomètres de plage du They de la Gracieuse, qui forme la pointe du delta jusqu’à l’embouchure du Grand Rhône. Cette promenade, lente et baignée de soleil, parmi les oiseaux, les bois flottés échoués, et les lignes d’horizon occupées par le complexe industriel et portuaire de Fos-Sur-Mer, m’a profondément marquée. La nature sauvage et la civilisation sauvage.
> Avez-vous un fleuve préféré, lequel, pourquoi ?
La Loire peut-être, qui était synonyme de vacances quand j’étais enfant. Quand on prenait la route sous la pluie, on nous disait toujours « ça changera en passant la Loire ». Et j’allais souvent en camping du côté de l’estuaire. Comme elle coule aussi en Auvergne, où vivaient mes grands-parents, j’avais l’impression que la Loire passait partout en France…
Quel avenir imaginez-vous pour le Rhône ?
Je pense que c’est le Rhône qui nous imagine un avenir : quoi qu’il advienne, il gagnera – qu’il sorte de ses digues ou qu’il change son cours. Le Rhône, c’est la glace avant d’être l’eau. Il a été capable de déplacer des blocs de pierre sur des centaines de kilomètres, il n’a pas dit son dernier mot…
Parmi ces citations, laquelle préférez-vous ? Pourquoi ?
LA POÉTIQUE
« La source désapprouve presque toujours l’itinéraire du fleuve »
Jean Cocteau
Je préfère celle-ci, que je ne connaissais pas. Elle illustre bien, je trouve, la façon dont le réel se moque de nos plans. Si on tente de prévoir l’avenir et de suivre un chemin prédéfini, on a toutes les chances de se rater, tandis que si on se laisse porter par le courant, là on arrive quelque part !
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