Portrait

André Deyrieux

Portrait en direct du fleuve

Andre Deyrieux bord de Seine vers l ancien port du Louvre © DR

André Deyrieux est consultant et écrivain dans le vaste domaine, à défricher, des patrimoines de la vigne et du vin.
Ses métiers sont ceux de la valorisation des patrimoines œnoculturels. Il a proposé pendant un an, la chronique  » Un Rhône, douze vignobles », pour capsurlerhone.fr.

La série des portraits En direct du fleuve propose des rendez-vous avec des personnes qui développent un lien particulier au Rhône ou à la Saône.
Aux mêmes questions, différentes réponses nous donnent par ricochet, de nouvelles vues sur le fleuve !

 

 

Bonjour André Deyrieux, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes et nous parler du lien que vous avez avec le Rhône ?
Les fleuves, rivières et autres voies d’eau font partie des patrimoines œnoculturels. Leurs pentes, même fortes, sont adaptées aux vignobles et ils constituent des voies de transport reliées aux consommateurs, adaptées aux charges lourdes que sont les amphores puis les barriques de vin.  Pascal le dira de manière imagée : « Les rivières sont des chemins qui marchent, et qui portent où l’on veut aller. »
Pour le Rhône, j’ai vécu à Marseille dans mon enfance et aimé très tôt la Camargue. J’ai vécu longtemps à Lyon. J’ai travaillé un temps avec la Suisse et j’avais plaisir à retrouver « mon » fleuve dans le Valais ou à Aigle ou à Genève. Je vis aujourd’hui en Drôme provençale, dans la vallée du Rhône qui a deux fleuves : le Rhône et le Mistral.

> Donnez-nous trois ou quatre adjectifs pour décrire le Rhône
Puissant, serein, solitaire, divers. Sa puissance est aujourd’hui rassérénée. Lorsqu’on le longe, à pied et aujourd’hui de plus en plus à vélo, je pense qu’on peut souvent le trouver abandonné et solitaire, ce qui n’est pas sans charme mélancolique. Sa diversité est méconnue, secrète ; le voyageur ou le promeneur contemporain est si souvent loin de ses rives.

> Quel est votre meilleur souvenir avec le Rhône ou un autre fleuve ?
C’est peut-être un souvenir littéraire, une lecture commencée à Arles, sur un quai proche du musée Réattu, là où le Rhône, descendant plein sud, arrive droit sur vous. Il s’agit du Poème du Rhône, écrit en 1897 par Frédéric Mistral qui reçut le prix Nobel de Littérature en 1904. Il raconte la descente du fleuve par une flottille de bateaux de Condrieu, à l’époque où le Rhône était « la grande voie, l’unique, où venait aboutir toute la vie des pays de langue d’oc ».
À lire absolument si on aime les fleuves.

> Avez-vous un fleuve préféré, lequel, pourquoi ?
La Seine est évidemment puissamment magnétique. De sa source à la mer. À Paris. À Montereau-Fault-Yonne aussi : à ce confluent de la Seine et de l’Yonne, le débit de la Seine est de quatre-vingt mètres cubes, celui de l’Yonne de quatre-vingt-treize mètres cubes : ce n’est pas la Seine qui coule à Paris mais l’Yonne. La Seine est un coup de force géopolitique.

Ceci dit, c’est comme pour les vins : celui que je préfère, c’est celui que je n’ai pas encore dégusté. Bien des fleuves m’attendent, ou se rappellent à mon souvenir pour me tenter. Le Danube, par exemple, qui est au potamophile ce que l’Orient-Express est au ferrovipathe.

> Choisissez une photo que vous affectionnez particulièrement, pourquoi ?
J’ai photographié il y a quelques temps le vignoble au-dessus de Vienne. On sait ce que peut être une zone urbanisée dans la vallée du Rhône : centres commerciaux, usines, voie ferrée, autoroute, etc. Sur cette photo, on voit au premier plan la vigne, plus loin le large Rhône. Notre misérable ruban de civilisation moderne se trouve écrasé, esquiché comme on dit à Marseille, entre ces deux patrimoines formidables. Attendons le passage du temps.

> Quel avenir imaginez-vous pour le Rhône ?
Nous – les gens, les villes, les vignobles, les campagnes, nous nous sommes éloignés de nos cours d’eau. Il n’y a que peu d’années que les villes se sont rapprochées d’eux : Lyon aime à nouveau le Saône et le Rhône, Paris fait des rives de la Seine un Paris-Plage, Bordeaux y implante une cité des vins, etc.
Mais ce rapprochement physique manque encore d’être culturel. On ne sait plus vraiment ce que notre histoire (économique, sociale, culturelle) doit aux fleuves, voies de transport et de peuplement, frontières unifiantes, biotopes géopolitiques, etc. Les chantiers de storytelling qui se présentent à nous sont énormes.

Parmi ces citations,  laquelle citation préférez-vous ? Pourquoi ?

L’ANTIQUE

On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve

Héraclite d’Éphèse

Tout change : le « fleuve » mais aussi le « on ». Le fleuve serait-il le même, et il reste cette permanente puissance fluviatile, nous serions différents. Entre nous, je n’aime pas le côté « baignade » de la traduction. Le texte réel est « on ne descend jamais dans le même fleuve »,  ce qui prend tout de suite un côté baptismal, initiatique. On n’est jamais la même innocence.

 

 

 

 

 

 

 

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  • Vignoble de Vienne © Andre Deyrieux

    Vignoble de Vienne